L'envoi d'emails ne prouve pas nécessairement un recherche sérieuse et loyale de reclassement

Lorsqu’un salarié est déclaré inapte par la Médecine du travail, l’employeur doit, sauf dispense expresse, tenter de le reclasser.

Un exercice généralement effectué par l’employeur consiste à adresser des courriers ou emails aux directeurs d’établissements ou à d’autres sociétés pour connaitre leurs possibilités en vue d’accueillir le salarié déclaré inapte.

Si cette pratique peut constituer un indice pour démontrer une recherche sérieuse et loyale de reclassement, elle ne doit toutefois pas être prise à la légère et être considérée comme une preuve absolue du respect de l’obligation de recherche de reclassement.
Romain Durieu Avocat - Avocat en droit social, droit de la sécurité sociale & URSSAF
Deux arrêts récents viennent l’illustrer :
« En revanche, M. X fait à juste titre état d’une recherche formelle et non personnalisée dès lors que l’employeur n’a pas cherché à connaître ses compétences, qu’il n’est pas justifié qu’il se soit renseigné auprès du médecin du travail pour lui faire préciser qu’elles étaient les capacités résiduelles du salarié et qu’il a adressé un mail circulaire à quelques personnes auxquels il a donné un laps de temps très rapide (trois jours, en retirant le samedi 5 mars 2016 et le dimanche 6, puisque la réponse était attendue 'avant le 10 mars 2016").

Par ailleurs, les rapides retours de mails de la part des directeurs d’établissement ne permettent pas de s’assurer de la qualité de la recherche de reclassement à laquelle il aurait été procédé, en l’absence de production du registre du personnel de la société et de la moindre information sur la réalité des effectifs de l’entreprise dont le salarié affirme qu’il était compris entre 1.600 et 1.699 personnes. » Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 19 février 2020, n° 17/12761)
« La société X affirme dans ses conclusions que des postes d’agent de sécurité étaient disponibles mais qu’ils étaient incompatibles avec l’état de santé de M. Y puisqu’ils correspondaient à son emploi précédemment occupé.

Elle ne démontre pas cependant avoir proposé ces postes à M. Y, ni s’être rapprochée du médecin du travail pour lui soumettre lesdits postes et recueillir son avis sur leur compatibilité avec l’état de santé de son salarié, obligation qui lui incombait en dépit des termes de l’avis d’inaptitude. » Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale a, 12 février 2020, n° 16/07643)

Dans les deux arrêts, le licenciement a été jugé abusif, donnant donc au salarié de réclamer des dommages et intérêts.

Deux enseignements sont à tirer de ces arrêts :

Adresser des emails « types » non personnalisés aux directeurs d’établissement ne suffit pas à démontrer une recherche loyale et sérieuse de reclassement

La consultation de la médecine du travail sur les postes pouvant être proposés constitue un indice fort du respect d’une recherche loyale et sérieuse

L’employeur doit donc être vigilent dès le début car ses manquements au stade de la procédure de licenciement ne pourront pas être rattrapés dans le cadre d’un litige devant le conseil de prud’hommes.