Forfait-jours : Le défaut d’entretien peut caractériser l’élément intentionnel du travail dissimulé

La clause de forfait en jours permet de comptabiliser le temps de travail du salarié non plus en heures mais en jours sur l'année.

La rémunération est calculée sur la base d’un forfait, aucune heure supplémentaire n’étant comptabilisée par principe.

Si ce système présente indéniablement des avantages pour l’employeur, il comporte en revanche de nombreuses contraintes prévues par le droit du travail, sur lesquels ce dernier doit être vigilant.

Le non-respect des modalités de mise en place ou d’exécution du forfait en jours peut être sanctionné par la nullité ou l’inopposabilité de la convention de forfait en jours.
Romain Durieu Avocat - Avocat en droit social, droit de la sécurité sociale & URSSAF
Le principal effet que le salarié peut revendiquer un rappel d’heures supplémentaires devant le conseil de prud'hommes, en rapportant un commencement de preuve sur les heures réellement effectuées.

Un autre risque est toutefois assez méconnu, celui de condamnation pour travail dissimulé.

Sur ce point, la Cour de Cassation juge classiquement que le caractère intentionnel exigé pour caractériser cette infraction ne peut se déduire de la seule application d’une convention de forfait illicite (Cass. Soc. 16 juin 2015 n° 14-16953).

Néanmoins, comme l’a encore jugé récemment la cour d’appel de Paris, un employeur peut être condamné pour travail dissimulé pour ne pas avoir respecté les clauses du forfait en jours et notamment en organisant la tenue d’un entretien annuel :
« Le forfait annuel en jours doit être prévu par un accord collectif de branche ou d’entreprise lequel doit définir les catégories de cadres concernés , fixer le nombre de jours travaillés , préciser les modalités de décompte de ces jours, les conditions de contrôle de son application et prévoir les modalités de suivi de l’organisation du travail, de l’amplitude des journées d’activité et de la charge de travail qui en résulte.
Il en résulte qu’un dispositif de suivi régulier et de contrôle doit être mis en œuvre.

A défaut pour l’employeur de respecter ces clauses, la convention individuelle de forfait annuel en jours est privée d’effet.
Force est de constater que l’employeur ne démontre pas avoir organisé un entretien annuel propre à s’assurer du suivi du forfait annuel en jours, de sorte que l’accord est privé d’effet, ce qui permet au salarié de demander, notamment, le paiement d’heures supplémentaires.
[…]

En l’espèce, il résulte des explications que la société X s’est volontairement soustraite à ses obligations en mettant en œuvre une convention de forfait jour dépourvue d’effet et en ne payant pas la totalité des heures supplémentaires. » (Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 11 septembre 2019, n° 17/00637)

Rappelons que la sanction prononcée au bénéfice du salarié est une indemnité équivalente à 6 mois de salaire.

Il est donc vital pour les employeurs de vérifier les conditions de mise en œuvre des forfaits en jours sous peine de devoir payer, outre un rappel d’heures supplémentaires, l’indemnité pour travail dissimulé.