La mutation demandée par un client de l'employeur n'est pas une sanction disciplinaire

En droit du travail, la mutation disciplinaire se distingue de la mutation géographique sur sa procédure et ses effets.

La mutation géographique, qui peut être aménagée par une clause de mobilité dans le contrat de travail, consiste à modifier le lieu de travail du salarié sous certaines conditions (même secteur géographique, raison légitime, etc.). Elle relève du pouvoir de direction de l’employeur et n’est pas une sanction.

La mutation disciplinaire consiste quant à elle à sanctionner un salarié à l’origine de faits fautifs en modifiant son lieu de travail. Le salarié peut alors refuser la mutation, mais il s’expose alors à un licenciement.

La mutation d’un salarié, demandée par un client de l’employeur se plaignant notamment de retards et d’un non-respect de la hiérarchie de ce dernier, est-elle une mutation géographique ou disciplinaire ?

Romain Durieu Avocat - Avocat en droit social, droit de la sécurité sociale & URSSAF
L’enjeu de la question était important dans une affaire où un client de l’employeur se plaignait du comportement d’un agent de sécurité, en retard et refusant d’accomplir certaines missions

L’employeur avait sanctionné le comportement du salarié par un avertissement, puis l’avait muté sur un autre secteur, chez un autre de ses clients.

Le salarié avait contesté cette dernière devant le conseil de prud’hommes en estimant qu’elle était abusive sur le principe « non bis in idem » applicable en droit du travail, c’est-à-dire qu’un même fait ne peut être sanctionné plusieurs fois.

L’enjeu était encore plus important compte tenu du fait qu’un licenciement avait été prononcé du fait de l’absence du salarié à sa nouvelle affectation.
Pour le conseil de prudhommes et la Cour d’appel, la mutation décidée par l’employeur ne relevait pas d’une sanction disciplinaire mais bien du pouvoir de direction de l’employeur.

Leur raisonnement est confirmé par la Cour de Cassation qui juge que :
« La cour d’appel ayant constaté que les échanges de courriels produits par la société faisaient état du mécontentement du client suite au refus du salarié d’effectuer à 18 heures, soit tardivement par rapport à son heure de fin de service, une tâche relevant de sa mission, refus exprimé sur un ton inapproprié, que d’autres difficultés étaient évoquées, tels que des retards réguliers et un problème de respect de la hiérarchie, a pu en déduire que la société avait exercé son pouvoir de direction en changeant le salarié d’affectation pour éviter des tensions supplémentaires avec le client et ce dans l’intérêt de la société et du salarié, sans qu’elle se soit placée ainsi sur le terrain disciplinaire » (Cour de cassation, Chambre sociale, 11 mars 2020, n° 19-12.223)

La mutation n’était donc pas une sanction disciplinaire et n’était donc pas abusive au regard du principe non bis in idem.

Le licenciement prononcé pour absence du salarié sur son nouveau site a donc été jugé valable.

Bien que la mutation repose à l’origine sur des griefs reprochés au salarié, ce n’est pas son employeur qui les lui reproche mais bien son propre client, impliquant que la décision prise par l’employeur de muter le salarié ne constitue pas une sanction.

Si l’employeur fait néanmoins le choix de se placer sur le terrain disciplinaire, le salarié pourra contester son licenciement devant le conseil de prud’hommes.