Les reproches adressés épuise le pouvoir de licencier même pour insuffisance professionnelle

L’arrêt rendu le 6 novembre 2019 par la Cour de Cassation invite les employeurs à faire preuve de la plus grande prudence au moment de formuler des reproches à leurs collaborateurs.

Dans les faits, l’employeur avait adressé un courrier au salarié dans lequel il lui reprochait son comportement à l’égard des clients et des salariés, ses nombreuses modifications d’horaires, le non-respect de ses jours de travail et l’invitait « instamment » à les respecter et conclut qu’à « défaut nous serions contraints d’envisager la rupture de nos relations contractuelles » ;

Bien que ce courrier n’indique pas le prononcé d’un avertissement, la Cour a considéré que cette lettre, qui liste des reproches, invite « instamment » le salarié à changer « radicalement » et « sans délai » de comportement sous peine d’un licenciement, sanctionne un comportement fautif et constitue un avertissement.
Romain Durieu Avocat - Avocat en droit social, droit de la sécurité sociale & URSSAF
Elle en tire logiquement comme conséquence que l’employeur ne pouvait pas utiliser les griefs reprochés dans cet avertissement pour motiver la lettre de licenciement, en application de la règle « non bis in idem » applicable en droit du travail.

Plus surprenant, la Cour de Cassation juge également que les faits reprochés dans le courrier de reproches ne peuvent fonder ni un licenciement disciplinaire ni un licenciement pour insuffisance professionnelle (Cour de cassation, Chambre sociale, 6 novembre 2019, n° 18-20.268).

On savait que les faits motivant un licenciement pour insuffisance professionnelle ne sont pas soumis aux mêmes règles que ceux motivant un licenciement disciplinaire et notamment au respect du délai de 2 mois depuis leur survenance pour les sanctionner.

A notre connaissance, il s’agit de la première fois que la Cour juge que les faits reprochés par avertissement ne peuvent être utilisés pour fonder un licenciement non disciplinaire, ici pour insuffisance professionnelle.

Cet arrêt invite donc les employeurs à être particulièrement prudents dans la motivation de la lettre de licenciement, en écartant tout fait ayant déjà fait l’objet d’une correspondance pouvant être assimilée à une sanction disciplinaire, sous peine que le licenciement soit qualifié d’abusif par un conseil de prud’hommes.